Rétrospective. Nouvelles des archives
17/10/2023
Célébration de Sainte-Ursule - 21 octobre
Lors de la fermeture de la Communauté de Cork en 2022, la Province d'Irlande – Pays de Galles de l'Union Romaine a fait don à la Maison Généralice d'un précieux reliquaire (fig. 1) contenant quelques reliques de Sainte Ursule et de ses compagnes. Le grand reliquaire provient de Cologne et est accompagné d'une feuille, avec une photo du couvent et de l'école des Ursulines de la rue Machaberstrasse (fig. 2), sur laquelle on peut lire : "Je déclare par la présente que le reliquaire ci joint contient des reliques de sainte Ursule et de ses compagnes apportées au couvent des Ursulines de la rue Machaberstrasse aux XVIIe et XVIIIe siècles par la chapelle des Ursulines en signe d'action de grâces". Ce reliquaire a été apporté au couvent des Ursulines de Blackrock, Cork, par le V.R. Joseph Scannell (plus tard oyen de Cork) du couvent des Ursulines de Cork en 1920. Le Doyen Scannell a été Chapelain de l'armée britannique pendant la première guerre mondiale alors qu'il était jeune prêtre.
Mais qui est Sainte Ursule ? Sainte Ursule est une sainte chrétienne romano-britannique légendaire qui est morte le 21 octobre 383. Sa fête est fixée au 21 octobre dans le calendrier romain universel d'avant 1970. Il existe peu d'informations sur elle et sur le groupe anonyme de vierges saintes qui l'accompagnaient et qui, à une date incertaine, ont été tuées avec elle à Cologne.
L'histoire raconte celle d’une belle princesse, Ursule, fille du roi chrétien de Britannia. Honnête et sage, elle consacrait sa vie au Seigneur lorsqu'elle fut convoitée par le puissant et autoritaire roi d'Angleterre pour épouser son propre fils. Les messagers envoyés par le roi sont refusés par le père d'Ursule, qui ne refuse cependant pas sa demande de mariage. Elle fut inspirée par une vision en rêve, sous condition qu'elle soit accompagnée de dix vierges qui la réconforteront dans ce pieux pèlerinage, pour elle-même ainsi que pour chacune des mille autres vierges, et pour que le futur marié se convertisse à la foi chrétienne. Après avoir accepté les conditions, les préparatifs ont été faits et les vierges sont venues de toutes les parties du monde pour se rassembler. Sous la conduite d'Ursule, l'immense cortège se met en route sur la Manche avec une flotte de onze vaisseaux. La flotte débarque en Gaule et remonte le cours du Rhin jusqu'en Suisse ; Ursule et son escorte poursuivent leur pèlerinage jusqu'à Rome, rassemblant des foules de croyants, dont le pape Siricius (inconnu dans les documents pontificaux, bien qu'il y ait eu un pape Siricius à la fin de l'année 384 avant JC) et Sulpicius, évêque de Ravenne. Ainsi, sur le chemin du retour, à leur arrivée à Cologne alors assiégée par les Huns, les vierges furent assassinées par les barbares. Ursule fut d'abord épargnée par Attila qui, frappé par sa beauté, la voulait en mariage ; puis, comme elle refusait le tyran, il la transperça d'une flèche.
C'est la légende racontée par les sources. Elle trouve son origine dans le seul document authentique, une épigraphe latine du Ve siècle trouvée dans l'église Sainte-Ursule, située Place Ursula à Cologne, la ville où la sainte et ses compagnes auraient enduré leur martyre aux mains des envahisseurs Huns sur le chemin du retour de Rome. Toutefois, la plaque ne mentionne que les "vierges martyres", sans indiquer de noms ni de chiffres. Mais le martyre d'Ursule et des vierges a une base historique à Cologne au VIIIe siècle, grâce à la découverte, près de la ville, d'un cimetière où furent exhumés des milliers de squelettes : ceux d'Ursule et de ses compagnes, croyait-on, et la légende s'est de nouveau enrichie de milliers de noms. Parmi les noms donnés figure celui d'Ursule, qui aurait eu l’âge de onze ans, en latin undecimilia, transcrit avec le chiffre romain XI qui accompagne ce nom, afin de déterminer quand est né la légende des onze mille vierges. [1]
3. M.A. Barberis, Sainte Ursule dans la gloire du Paradis, Chapelle du Christ-Roi, Rome, Généralat des Ursulines de l'Union Romaine, 1936-37 (AGUUR©) |
This is the legendary story told by the sources. Its origin lies in the only authentic document, a fifth-century Latin epigraph found in the Church of St Ursula, located on the Ursulaplatz in Cologne, the city where the saint and her companions are said to have suffered martyrdom at the hands of the invading Huns on their return from Rome. The plaque, however, only speaks of 'virgin martyrs', without mentioning any names or numbers. But the martyrdom of Ursula and the virgins has a historical basis in 8th-century Cologne, thanks to the discovery of a burial ground near the city, from which thousands of skeletons were exhumed: those of Ursula and her companions, it was believed, and the legend was further enriched, even thousands of names. Among the names given is that of the eleven-year-old Ursula, in Latin undecimilia, given transcribed with the Roman numeral XI accompanied by a small sign so as to determine with the transformed number the birth of the legend of the eleven thousand virgins. [1]
La légende a été définitivement établie dans la Légende Dorée, un recueil de biographies hagiographiques écrites par Jacques de Voragine, dominicain et évêque de Gênes, depuis environ 1260 jusqu'à sa mort en 1298. Ce livre a été largement diffusé et comptait parmi les plus importants en circulation pendant la jeunesse d'Angèle Merici. Son père en lisait régulièrement des pages en famille ; c'est probablement là qu'Angèle a entendu parler pour la première fois d'Ursule et de Catherine d'Alexandrie, deux figures importantes qui ont façonné sa spiritualité et sa vision, inspiration renforcée par de nombreuses œuvres d'art de son époque.
Pourquoi Angèle a choisi Sainte Ursule ? Angèle était une femme qui voyageait, écoutait, priait, observait et était ouverte aux influences de son temps. La légende des vierges de Cologne fut largement diffusée ; de nombreuses peintures témoignent de la popularité du culte. Il est possible qu'Angèle, de passage à Venise à la fin de l'année 1524, ait pu voir le cycle pictural réalisé par Vittore Carpaccio pour la Scuola di Sant'Orsola (1490-95, aujourd'hui au musée de l'Académie à Venise), précisément selon la Légende Dorée de Jacques de Varagine.
Angèle a peut-être aussi vu deux tableaux brescians : le Polyptyque de Sainte Ursule d'Antonio Vivarini dans l'église de San Pietro in Oliveto (1440-45, aujourd'hui conservé en fragments au Musée Diocésain de Brescia), et le retable de Sainte Ursule et ses compagnes du Moretto dans l'église de Santa Maria Maddalena (1537, aujourd'hui à la Pinacothèque du Chateau Sforzesco de Milan), en face de la maison d'Agostino Gallo. Sur ces peintures, selon l'iconographie traditionnelle, Ursule se tient au milieu de ses compagnes sur lesquelles flottent deux bannières. Ces peintures représentent l'expression du culte envers Ursule qui s'est rapidement répandu dans toute l'Italie, en particulier en Vénétie et en Lombardie, grâce aux Romains germaniques de passage. Angèle cultivait une dévotion particulière pour Catherine d'Alexandrie ; en effet, elle a fondé sa Compagnie en 1535, le jour de sa fête (25 novembre), et c'est de l’histoire des noces mystiques avec le Christ qu'Angèle tire son langage sponsal (le Christ époux, la dignité royale des vierges de la Compagnie), et c’est ainsi qu’elle a placé ses filles sous la protection d'Ursule ! À l'origine de ce choix, il y a peut-être une affinité de tempérament, mais aussi une similitude de vocation et de message liée à la foi, à la virginité, au courage.
Par Emanuela Lauro Ph.D., Archiviste Générale
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1. Cf. Wilhelm Levinson, Das Werden der Ursula-Legende, Köln 1928.