Rencontre avec Arona - l'un des protagonistes de "La lettre"

23/05/2023

Rencontre avec Arona - l'un des protagonistes de "La lettre"

Rencontre du Groupement Sainte Angèle d’Afrique avec Arona Kandé, l’invité sénégalais du Pape dans le projet Laudato Si.

Pour notre conférence de Groupement qui s’est tenue le 1er mai 2023 à Thiès, le thème central portait sur l’écologie intégrale et notre contribution en ce sens. Après le mot d’ouverture de Sr Bernadette DIOUF et le partage sur les orientations du CGE sur ce sujet, nous avons accueilli Mr Arona KANDE, l’un des principaux protagonistes du film « La Lettre » que chaque communauté avait regardé avant cette rencontre.

 

Message d’Arona :
 « Les enfants de la rue » : non, la rue n’enfante pas !!! Ces enfants ont des parents et sont le fruit de notre société. Nous sommes tous responsables. Que chacun(e) se pose la question de la place qu’il/elle peut avoir.

 

Arona a commencé en évoquant comment l’agriculture était la source de revenu de son village, comment la population avait tendance à couper des arbres pour avoir des zones cultivables mais qu’ils fragilisaient eux-mêmes leur environnement car, associé au réchauffement climatique, cela a généré une désertification et une baisse des ressources en eau.

C’est le contexte de famine qui a motivé ses parents à le confier à un oncle imam. Il est arrivé à St Louis (Nord du Sénégal) en 2006, alors qu’il n’avait que 6 ans et a vécu dans un daara (école coranique) sa vie de talibé.

Alors qu’il était enfant, une famille lui donnait ses trois repas par jour. Le fils de la famille avait le même âge et allait à l’école. Arona avait un grand désir d’étudier et il suivait les cours de la fenêtre, il se faisait chasser mais revenait sans cesse, cherchait à noter des choses sur de petits bouts de papier qu’il trouvait. 

Il s’est adressé à un monsieur d’une ONG canadienne : il voulait étudier et insistait.

Au lieu de mendier uniquement, les jours où il n’y avait pas cours, il travaillait (essentiellement auprès des pêcheurs). Il gagnait ainsi suffisamment pour donner à son marabout ce qu’il fallait les jours suivant. Il respectait toutes les règles du daara mais cachait le fait qu’il avait réussi à être inscrit à l’école, puis au collège et au lycée malgré l’interdiction formelle de son marabout. La fille du marabout était dans le même lycée et elle l’a croisé un jour, mais il a prétendu rendre visite à quelqu’un. Finalement, elle a découvert qu’il avait suivi les cours seulement lorsqu’il a eu son bac, l’année dernière.

Ayant des amis chrétiens, il a eu l’occasion de fréquenter des églises, avant même d’être invité par le Pape. En tant que musulman et du fait de ses préjugés, il a beaucoup hésité à accepter l’invitation du Pape, a même refusé à plusieurs reprises. Mais il a mieux compris le contexte et l’intérêt profond du Pape et de ses collaborateurs quant à son expérience personnelle et ce qu’il pouvait leur apporter. Il a eu du mal à comprendre pourquoi il fut choisi plutôt qu’une personne ayant eu une formation plus approfondie. Mais c’est justement du fait de son parcours que sa parole est importante pour l’Eglise et le monde.

L’objectif était de voir les conséquences du réchauffement climatique. Lorsque l’équipe est venue tourner le film, ils ont découvert que le problèmes du réchauffement climatique n’était pas le seul auquel était confronté le Sénégal : problèmes des mariages précoces et forcés des jeunes filles, la situation de tant d’enfants talibés…
Il a découvert que le Pape se soucie de tout le monde, de tous les problèmes touchant l’humanité entière. Il s’est préoccupé aussi de la manière dont il pouvait soutenir Arona personnellement.

Arona souhaite travailler dans le domaine social et œuvrer au service des jeunes du Sénégal. Alors qu’il en avait l’opportunité, il n’a pas souhaité étudier en Europe.

Il est de l’ethnie Peul : en général des éleveurs, nomades, très islamisés et qui n’ont pas conscience de l’importance des études. C’est pour cela qu’Arona est le seul de tous les villages environnants à avoir eu le BFEM et le Bac. C’est aussi une source de difficultés car sa vision du monde n’est pas la même que celle des autres membres de son village. Mais il cherche à dialoguer humblement et avec patience, à être proche des gens en s’habillant simplement et en respectant les règles de la culture quand il va au village. Par son témoignage de vie et ses attitudes, il a réussi à gagner la confiance des villageois après beaucoup d’années d’absence du village. Il est devenu pour les gens de son village d’origine une référence, un sage et un conseiller. Cette considération lui permet de conscientiser, de réconcilier et même de défendre des personnes qui subissent le poids de l’ignorance et de la culture musulmane. Par exemple : Arona a sauvé, grâce au dialogue avec les parents, une jeune fille qui souhaitait étudier à la place d’accepter le mariage que son père voulait lui imposer.

Il a commencé à créer une association pour l’éducation des filles. C’est encore tout petit mais espère que 5 filles pourront être scolarisées l’an prochain. Ce sont des combats qui ne se gagneront pas par la force mais dans l’humilité.

Il a également partagé comment, un jour, il avait été intrigué par un petit garçon qui lui ressemblait beaucoup. De fil en aiguille, il a découvert qu’ils étaient cousins. Arona a réussi à le faire sortir du daara où il était contraint à la mendicité et à lui payer un autre daara avec internat où il a pu avoir une éducation et vivre dans des conditions correctes.

Suite à la question d’une sœur « Comment favoriser l’ouverture de nos frères musulmans ? », voici quelques conseils qu’Arona nous a laissés : dialoguer, échanger, poursuivre le dialogue. Sachant que certains sont fermés par une ignorance « innocente », d’autres sont fermés par choix, par rigidité. Tenir compte de notre manière de parler, de s’habiller, de se comporter pour rendre plus facile l’approche des personne et le dialogue.
 

 

Cette rencontre des sœurs du Groupement avec M. Arona nous a beaucoup ouvert les yeux sur d’autres causes écologiques dans notre pays. Sa manière d’apporter des solutions aux problèmes de l’écologie qu’il rencontre nous a beaucoup stimulées.