Les Bienheureuses Ursulines martyres de Valenciennes

Les Bienheureuses Ursulines martyres de Valenciennes



Conférence donnée à Valenciennes le 23 octobre 2019 par Mme Marie-Christine Joassart – Delatte

Nous voici réunis pour commémorer le 225ème anniversaire du martyre des bienheureuses Ursulines de Valenciennes dont l’Eglise fait mémoire en ce jour.

C’est une joie et un grand honneur pour moi d’évoquer avec vous leur vie et leur mort héroïque.

Cette communauté nous offre un admirable témoignage de foi et de fidélité.

Durant la révolution française, elle va connaître une situation particulièrement douloureuse. Elle va connaître les problèmes qui sont ceux de l’ensemble des communautés religieuses à l’époque: suppression de ces communautés religieuses et leur dispersion obligatoire, confiscation de leurs biens, présence d’un clergé constitutionnel, etc...Ces difficultés sont encore aggravées par le fait qu’elles sont établies dans une zone frontalière, qui va subir le flux et le reflux d’occupations successives au cours de la guerre qui oppose la France à l’Autriche, à partir de 1792.

Dans cette situation tourmentée, les Ursulines de Valenciennes vont choisir de vivre jusqu’à la mort la fidélité à leur vocation et aux engagements pris lors de leur profession religieuse, et le maintien de leur vie en communauté en s’appuyant sur la grâce de Dieu et la force de leur spiritualité ursuline, très marquée par le sens du martyre.

Onze d’entre elles seront guillotinées en octobre 1794. Cinq d’entre elles monteront à l’échafaud le 17 octobre, six autres le 23 octobre.
Par la suite, leur cause introduite à Cambrai en 1898, aboutira à la béatification de « Mère Clotilde Angèle et ses compagnes en 1920.

Cette communauté enseignante a été fondée en 1654 par cinq Ursulines de Mons et deux venues de Namur, à l’initiative de Charlotte et Marie d’Oultreman deux notables de Valenciennes. L'école des Ursulines est, à l’époque de la Révolution, la plus importante école de filles de Valenciennes et elle ne cesse de s'étendre. Dans leur grand couvent de la rue Cardon, elles accueillent des pensionnaires venues parfois de fort loin car la renommée de leur pensionnat s'étend bien au-delà des frontières. Mais surtout, dans leurs classes externes, elles assurent gratuitement à plusieurs centaines de petites filles des classes moins aisées, un enseignement de qualité : une instruction chrétienne et un enseignement élémentaire. Les Ursulines assurent aussi dans leur école dominicale la formation chrétienne des jeunes domestiques et ouvrières.

C’est l’année 1790 qui va marquer un tournant dans la vie de la communauté. Pourtant, 1790 aurait dû être une année faste pour les ursulines, puisque le 15 août 1790 en effet, que parait le décret papal De Tuto autorisant la canonisation d’Angèle Mérici, leur fondatrice, béatifiée en 1768. Angèle Mérici avait fondé à Brescia, en 1535, une « compagnie de vierges » consacrées, placée sous le patronage de sainte Ursule, vivant dans le monde, désireuses de se vouer à la formation religieuse et morale des femmes et des petites filles. Son œuvre va connaître une expansion extraordinaire en France aux 17ème et 18ème siècles, sous la forme d’un ordre monastique, avec vœux solennels et obligation de clôture. On y compte 350 monastères d’Ursulines en France au moment de la révolution.

Une dernière fois, les Ursulines de Valenciennes auront pu, dans le cadre de la préparation de cette canonisation, reprendre conscience de leur identité religieuse de filles de Ste Angèle.


Une identité religieuse contestée en France où le Décret du 13 février 1790 déclare que « la loi constitutionnelle ne reconnaîtra plus de Vœux solennels ...En conséquence, les Ordres et congrégations réguliers dans lesquels on fait de pareils vœux, sont et demeurent supprimés en France, sans qu'il puisse en être établi de semblables à l'avenir. Tous les individus pourront en sortir en faisant leur déclaration devant la municipalité.

Le décret ajoute cependant qu'il ne sera rien changé pour les maisons chargées d'éducation publique en attendant une décision définitive. La communauté des Ursulines n'est donc pas supprimée par ce décret puisqu'elles sont enseignantes, mais il est évident qu'il s'agit là d'une mesure temporaire, permettant à l'Etat de mettre en place les structures nécessaires à l'enseignement, prévues par la Constitution civile du clergé.

Le 20 septembre, le maire se rend chez les Ursulines pour recueillir leur déclaration d'intention.

Les religieuses vont être interrogées individuellement sur leur volonté de maintenir la vie commune ou de profiter des lois nouvelles pour y renoncer.

Grâce à ce document, nous connaissons la composition de la communauté : 32 religieuses dont huit converses et deux novices. Toutes les religieuses enseignent, sauf la Supérieure et son assistante, les sœurs converses et trois religieuses très âgées. Quatorze d'entre elles se consacrent aux classes publiques (bien peu d'enseignantes pour ce grand externat !), six s'occupent des pensionnaires.


Mère Clotilde Paillot, qui vient d’être élue supérieure de la communauté, est appelée à faire la première sa déclaration d'intention, déclare « vouloir finir ses jours dans l'état et la maison qu'elle a choisis ». Tour à tour, les professes de la communauté, puis les sœurs converses déclarent « vouloir vivre et mourir dans cette maison ». Les deux novices vont également manifester la même intention « quoique n'ayant pu prononcer leurs vœux en raison de l'interdiction », ajoutent- elles.

Cette précision nous permet de saisir le fondement de la décision des religieuses. Celle-ci se fonde sur l'engagement pris à la Profession, lors de l'émission de leurs vœux solennels. C'est un engagement libre et irrévocable de toute leur vie dans l'Eglise qui s'est exprimé alors, et s'en dégager ne relève plus de leur volonté propre ou de celle d'autrui.

La position de leur évêque Monseigneur de Rohan, archevêque de Cambrai, était très ferme à ce sujet. Il écrivait au mois de mars 1790 que « rien ne pouvait excuser du crime d'apostasie les religieux et religieuses qui quittaient le couvent ».

Ce même 20 septembre a lieu l’inventaire de la maison des ursulines. Les biens ecclésiastiques ayant été nationalisés, les Ursulines subissent d’incessantes démarches pour faire l’évaluation de leurs biens et immeubles confisqués qui doit permettre le calcul du montant de la pension qui leur sera allouée en compensation.

Ces déclarations d'intention et les inventaires de biens qui les complètent ont créé des tensions internes tellement graves dans certaines communautés que le pouvoir civil envoie aux religieux du département une lettre leur rappelant l'obéissance qu'ils doivent à leurs supérieurs. A cette lettre, les Ursulines répondent :

« Nous n'avons jamais perdu de vue le vœu d'obéissance que nous avons fait, et nous espérons bien qu'avec la grâce de Dieu, nous y serons fidèles jusqu'au dernier soupir », témoignage émouvant quand on sait ce qu’elles vont vivre.

En conséquence, c'est le port de l'habit religieux qui va être interdit.

Cette décision rencontre une profonde résistance chez les religieuses. Cet habit, elles l'ont solennellement reçu lors de la cérémonie de vêture, premier acte d'engagement dans la communauté. Il est investi d'une grande signification symbolique, et rappelle le baptême et le sens de la vie chrétienne : se dépouiller du vieil homme et se revêtir du nouveau qui est le Christ


Les Ursulines de Valenciennes ne se sont jamais soumises à ce décret d'interdiction du port de l’habit religieux. Lors de leur arrivée à Mons, elles portent leur habit religieux « qu'elles n'ont jamais quitté ». Lors de son procès, Mère Desjardins déclarera « qu'elle n'a jamais quitté l'habit de l'ordre » Les religieuses monteront à l'échafaud dépouillées de cet habit religieux interdit. Le régime révolutionnaire pour sa part, attache beaucoup d'importance à la transgression de cet interdit. Le port du costume religieux est un motif d'arrestation que l'on retrouve dans les listes d'écrou ; il est retenu comme prévention contre les Ursulines jugées à Douai. Les religieuses monteront à l'échafaud dépouillées de cet habit religieux interdit.

La constitution civile du clergé met en place un clergé constitutionnel. Evêques et prêtres seront dorénavant élus. Les diocèses seront calqués dorénavant sur les départements nouvellement créés, sans référence au pape. Le 27 novembre 1790, un serment de fidélité à la Nation est exigé de tous les prêtres, sans allusion à la foi chrétienne. Le pape va condamner ce serment en 1791.

Mgr de Rohan, l’archevêque de Cambrai, refuse de prêter ce serment et est destitué. Il part en exil à Mons, dans la partie de son diocèse située aux Pays-Bas autrichiens. Il est remplacé par Mgr Claude Primat qui devient évêque du Nord. Mgr de Rohan dénonce fermement l’évêque « intrus » et recommande aux fidèles de son diocèse de s’abstenir de toute relation avec lui. Les Ursulines de Valenciennes resteront fidèles à Mgr de Rohan et lui obéirent

Un serment va aussi être exigé des Ursulines enseignantes, considérées comme fonctionnaires. Il est obligatoire dans le département du Nord en décembre 1791, mais la municipalité de Valenciennes ne semble pas avoir demandé aux Ursulines de prêter ce serment.

En raison de leur attachement au clergé réfractaire, les Ursulines vont se trouver en butte à l’hostilité des révolutionnaires : on dresse procès-verbal de leur refus de laisser célébrer un prêtre assermenté au couvent (On leur inflige 200 livres d’amende pour avoir enfreint le décret de fermeture des chapelles au public) On les interroge sur la présence d’un prêtre réfractaire au couvent. Elles sont même dénoncées par un prêtre jureur, comme enseignant à leurs élèves des principes contraires à la Constitution.

Le 1er octobre 1792, un nouveau décret met un terme définitif à leur vie commune en décidant qu’à partir de cette date, toutes les maisons occupées par des religieux et religieuses doivent être évacuées et mises en vente au plus tôt.

La communauté des Ursulines de Valenciennes décide alors de demander l'hospitalité à leurs sœurs de Mons dont elles étaient fort proches

Elles appartenaient en effet jusque-là au même diocèse de Cambrai, et avaient édité ensemble le Directoire, précisant les modalités d'application des Constitutions qui leur étaient communes. En 1732, des religieuses de Valenciennes avaient participé à une fondation des Ursulines de Mons à Rome. On comprend dès lors aisément que lors de la suppression de la vie conventuelle en France, les Ursulines de Valenciennes aient demandé asile à leurs sœurs de Mons.

Ce choix eut le grand mérite de permettre le maintien de la vie commune qui allait devenir impossible en France, les autorités ne tolérant plus que les religieuses vivent réunies dans une même demeure.

Cette décision impliquait une parfaite confiance dans la Providence et dans la charité des sœurs de Mons. Quitter la France en effet, c'était renoncer à tout moyen de subsistance, à la pension promise. Les religieuses se montrent en cela dignes filles d'Angèle Merici qui avait dit :

« Tenez pour certain que Dieu ne manquera pas de pourvoir à vos nécessités tant corporelles que spirituelles, pourvu que de votre côté vous ne manquiez pas à Dieu, »

Les Ursulines quittent leur couvent à la mi-septembre. Mère Dominique Dewallers et Mère Cécile Perdry, trop âgées, restent à Valenciennes confiées chacune à une sœur converse ; Mère Marie-Thérèse Castillion, également. Interrogée par ses juges sur la date de sa sortie de la communauté, Mère Clotilde répondra « qu'elle est sortie à l'époque de la suppression de la communauté, que le même jour, elle était partie avec un passeport de la municipalité qui l'autorisait à se retirer où bon lui semblerait, même en Autriche et qu'elle est allée à Mons ». On retrouve effectivement aux archives de Valenciennes des passeports libellés en ces termes et requérant de laisser le porteur « librement passer, séjourner et revenir ». Il est d'ailleurs impensable que toute une communauté ait pu franchir la frontière sans ces documents. En cette période de guerre, la frontière était sévèrement gardée par l'armée.

Mère Honorez, auteur d’une « relation de ce qui s’est passé dans notre communauté des Religieuses Ursulines de Mons pendant la Révolution française, écrite par une religieuse témoin oculaire » nous raconte leur arrivée à Mons « Le 17 septembre, à 6 heures du soir, le premier chariot arrive. Elles dirent que les autres se trouvant sans asile arriveraient dans une demie heure. Lorsqu'enfin, elles furent toutes arrivées, elles se rendirent à l'église au nombre de 26 et toutes en costume qu'elles n'ont jamais quitté ; on y chanta le Te Deum ».

C'est avec beaucoup de bonté que les Ursulines de Mons qui allaient ainsi se trouver fort à l'étroit, accueillent leurs sœurs de Valenciennes qui furent « nourries gratuitement pendant quatorze mois » précise la relation. Certaines Valenciennoises vont y reprendre une activité d’enseignantes : six comme assistantes aux classes externes, deux autres comme maîtresse d'écriture et d'arithmétique aux pensionnaires.

Le 28 octobre, les Ursulines de Valenciennes s'enrôlent dans la « Confrérie pour obtenir une sainte vie et une heureuse mort sous la protection de Sainte Ursule et des onze mille Vierges ». Elles se dédient à sainte Ursule par cette prière : « Sainte Ursule, je vous prends pour ma patronne et mon avocate à l’heure de mon trépas, et je vous prie de m’assister très particulièrement en ce dernier moment dont dépend mon éternité »

Cette dévotion a certainement joué un grand rôle dans la préparation à la mort des Ursulines de Valenciennes qui allaient deux ans plus tard connaître le martyre comme leur sainte patronne.

Dans le livret de la confrérie, le martyre de Sainte Ursule est défini comme « gloire » et « triomphe ». Nous retrouverons ces expressions dans les lettres d’adieu des religieuses. La « palme du martyre » et la « couronne du martyre » auxquelles aspirent les Ursulines martyres de Valenciennes sont également des expressions à mettre en rapport avec le culte de Sainte Ursule.

Mais la Révolution que les Ursulines de Valenciennes avaient fuie va les rejoindre. Le 6 novembre 1792, le général français Dumouriez remporte la victoire de Jemappes le 6 novembre 1792 et fait son entrée à Mons le lendemain. Le « pays de Hainaut » va être annexé et former le 86ème département français sous le nom de « département de Jemappes », par un Décret du 2 mars 1793. Voici donc les Ursulines de nouveau en terre de France.

L'accueil des Ursulines de Valenciennes par leurs consœurs de Mons était une mesure temporaire. Effectivement, les Ursulines de Valenciennes ont été pressenties par la supérieure des Ursulines de Liège pour venir restaurer cette maison qui a joué un grand rôle dans la diffusion de l'Ordre dans l'Europe entière et qui n'était plus alors que l'ombre d'elle-même. Les Ursulines de Valenciennes se proposent d'y rétablir un pensionnat et les classes gratuites. Ce projet n’aboutira pas car une fois encore, le vent de l'histoire a tourné.

A la suite de la bataille de Neerwinden qui a lieu le 18 mars 1793, les Autrichiens vont reconquérir leurs anciens territoires. Ils entrent à Mons le 27 mars et Mère Honnorez note : « nos consœurs de Valenciennes conçurent dès lors l'espérance de retourner à leur couvent ».

La moitié du département du Nord est également annexée par les autrichiens. Valenciennes se rend après un siège de plusieurs semaines. Les autrichiens placent les régions françaises annexées sous l'autorité d'une administration provisoire, dite « Jointe de Valenciennes », qui aura parmi ses nombreuses attributions, celle de décider la réintégration des communautés religieuses. De nombreux prêtres de Valenciennes retirés à Mons rentrent alors dans leur paroisse, rappelés par leurs fidèles. Les Ursulines vont faire de même.

Mère Leroux déclarera lors de son procès que la communauté des Ursulines est retournée à Valenciennes pour obéir aux ordres de l'Archevêque et pour répondre à la demande insistante des habitants de Valenciennes. Mère Thérèse Castillion, au nom de la communauté, obtient de la Jointe de Valenciennes de pouvoir reprendre la vie religieuse dans leur maison. (Ce sera refusé aux Brigittines)

Durant le siège de Valenciennes, le couvent des Ursulines avait été transformé en caserne. Après avoir fait effectuer les réparations nécessaires, la communauté s'y réunit de nouveau en novembre.

« Elles étaient au comble de la joie d'être rentrées dans leur maison, tout allait fort bien ; une ancienne novice fit profession à Pâques. Ensuite, elles prirent des sujets et il y eut une vêture ».

Le 26 novembre 1793 a lieu la réélection de Mère Clotilde pour un second triennat qui sera tragiquement abrégé. Et effectivement, cette novice qui n'avait pu prononcer ses vœux en raison de l'interdiction, Emerante Lepoint, en religion Mère Angélique, fait profession le 23 avril 1794. C'est la future restauratrice de la communauté. En 1816, elle fera établir la preuve de sa profession de vœux solennels par un acte notarié.

La communauté va s'agréger trois nouveaux membres durant cette période. Toutes trois compteront au nombre des martyres:

- Joséphine Leroux, sœur de Mère Scholastique. Clarisse urbaniste, elle partit pour Cambrai, lors de la suppression des communautés. Elle est revenue à Valenciennes sous l'occupation autrichienne et y a pris l'habit des Ursulines, « désirant reprendre sa profession religieuse », comme elle le dira au procès.

- Deux religieuses brigittines, Sœur Marie Erraux et Sœur Liévine Lacroix toutes deux originaires de Pont-sur-Sambre, Elles sont parties pour Mons, lors de la suppression pour entrer dans la communauté de Sainte-Marie. Ayant appris que la communauté des Ursulines de Valenciennes avait été rétablie, elles y sont entrées.

Mais un nouveau changement de régime politique se prépare.

Le 26 juin 1794, les autrichiens sont battus à Fleurus par les troupes françaises du général Jourdan.

Mons capitule. Les quatre citadelles du Nord, dont Valenciennes, vont cette fois céder rapidement.

Les régions occupées par les autrichiens redeviennent définitivement territoire français.

En France, durant l'année 1793, le régime révolutionnaire s'est fortement durci, et manifeste également une volonté de déchristianisation. Par endroits, on peut parler de persécution religieuse

Dès que les Français sont aux portes de Valenciennes, le commandant autrichien de la place rend les armes et entame des pourparlers de capitulation avec les représentants du Peuple en mission.

Créés en 1793, les Représentants du Peuple en mission, sont nantis de pouvoirs exceptionnels, ont autorité sur toutes les administrations locales, contrôlent les offensives militaires et n'ont de comptes à rendre qu'à Paris. Ils doivent également procéder à l'arrestation de tous les suspects d'activités contre-révolutionnaires et peuvent mettre en place, pour cela, des tribunaux d'exception, les commissions militaires.

A l’approche de troupes françaises, un très grand nombre d’habitants de Valenciennes ont quitté la ville pour aller chercher refuge en territoire autrichien par crainte des représailles.

Que vont faire les Ursulines ?

Elles ne peuvent attendre de directives de leur évêque. Mgr de Rohan est parti en exil à Nimègue ; Mgr Primat a abjuré en 1793.

L’abbé Parisis, leur aumônier, a, lui aussi émigré au-delà du Rhin.

Seul, l’abbé Lallemand, leur confesseur, leur donne ce conseil : « Mes filles, pensez-vous avoir assez de force pour ne pas faiblir devant la mort ? Mieux vaut fuir la persécution que de s'exposer à l'apostasie. Pour moi, je resterai car je suis pasteur et mes brebis sont à la gueule du loup. Mais vous, vous n'avez que votre âme à sauver ».

Ce n’est pas cet avis qu’elles vont suivre. Mère Clotilde appelle ses consoeurs à la fidélité par amour pour Jésus Christ et au terme d’une discussion avec son Conseil et avec la communauté, elle détermine la ligne de conduite de la communauté en disant : « parce que nous avons promis à Dieu de rester au couvent jusqu'à la mort, nous le ferons » et elle ajoute : « à la force, point de résistance, mais tant que l'on ne nous obligera pas à partir, nous sommes obligées de rester ».

Arrêtées, emprisonnées, jugées...
/Les Français entrent en ville le 1er septembre. Le représentant du peuple en mission, Jean- Baptiste Lacoste s'attendait à trouver dans la ville un grand nombre d'émigrés. Le procureur- syndic de la commune écrit à ce sujet : « c'était un malentendu, il ne se trouvait pas d'émigrés, mais bien seulement quelques ecclésiastiques qui avaient enfreint leur ban de déportation pour reprendre leurs fonctions dans le pays conquis et des religieuses ursulines qui avaient pensé pouvoir rentrer dans leur ancien couvent ».

Un comité de surveillance révolutionnaire est mis sur pied pour procéder aux arrestations. Ce sont de véritables rafles qui eurent lieu alors : « il y avait peu de familles qui n'eussent à déplorer l'arrestation d'un de leurs membres. Tous les ecclésiastiques et religieuses furent arrêtés, ainsi que tous ceux qui avaient rempli des fonctions civiles, judiciaires, militaires. De sorte que les prisons étaient pleines et que l'on dut ériger en succursales les églises de St Jean, de St Pierre et des Récollets ».

Un commissaire vient chez les Ursulines leur ordonner de quitter leur couvent dans les 24 heures. « A l'arrivée des Français, sommées de sortir de leur maison dans les vingt-quatre heures, celles qui avaient des parents dans la ville sortirent de la maison ce jour-là, mais celles qui ne purent trouver d'asile pour s’y réfugier, ayant encore couché dans la maison, jurent à leur réveil bien étonnées d'être mises en arrestation, ainsi que plusieurs qui s'étaient dispersées dans la ville ».



Le premier lieu de détention des Ursulines fut leur propre couvent, lui aussi transformé en prison, en raison de l'affluence de prisonniers. « On les mit en prison dans le quartier des classes et on mit le scellé partout ». Elles resteront emprisonnées plusieurs semaines, certaines dans la maison des ursulines ; (ce sont les martyres du 23 octobre), d’autres à la maison saint Jean.

Dans les derniers jours de leur détention, les Ursulines seront réunies à la maison d'arrêt de la commune, par ordre de la commission militaire.

La vie dans ces maisons d'arrêt surpeuplées est épouvantable. Le registre du comité de surveillance nous informe de la situation pitoyable des détenus :

« Les prisonniers manquent de pain, il ne leur est fait aucune distribution journalière. »

« La paille manque dans les maisons d'arrêt »

« Les prisonniers réclament tous du pain et de la paille ; beaucoup sont couchés sur la terre. »

La municipalité fait appel d'urgence au Directoire du district pour la fourniture de paille, met en application un décret imposant aux prisonniers les plus fortunés de payer les repas des plus démunis et permet aux prisonniers de se faire nourrir par leurs proches et amis. Les Ursulines reçurent ainsi notamment l'aide d'Elisabeth CLAIS, qui fit évader Mère Angélique Lepoint, future restauratrice de la communauté.

Mais les conditions d'internement restent déplorables, et de graves épidémies de gale, de fièvre et de dysenterie se déclarent. Deux officiers de santé viennent examiner les détenus et décident de transférer certains d’entre eux dans des lieux où ils peuvent être soignés. Ce fut le cas de religieuses de la communauté. Le docteur Vandendriesche, médecin à Valenciennes, logea ainsi deux religieuses ursulines qu'il fit évader par la suite. Passant chez les Ursulines de Mons, elles vont leur raconter « comment elles étaient en arrestation dans les églises, avec une infinité de prêtres et d’autres personnes, comment elles se confessaient debout, à la vue de tout le monde »

Une commission populaire de 12 membres est nommée par Lacoste afin d'examiner les motifs de détention de tous ces suspects, et d'établir leur nouvelle condition : la libération pour certains, l'établissement de la prévention et le renvoi devant les tribunaux : pour les autres. L'accusateur public du Tribunal criminel du Nord se plaindra de ce que son travail est fort lacunaire et peu respectueux)

Au terme de leurs interrogatoires (dont Mère Leroux écrira qu’on voulut leur y faire renoncer à leur religion):

  • - 11 religieuses, nos futures martyres, sont prévenues d'émigration, accusation particulièrement grave.
  • -3 autres sont renvoyées devant le Tribunal criminel du Nord :
  • - Mère Marie-Thérèse Castillion, qui n'a jamais quitté Valenciennes.
  • - Mère Félicité Messine, de Péruwelz, et Sœur Régis Lhoir, de Mons, toutes 2 originaires des Pays-Bas autrichiens.

C'est devant une commission militaire que vont être traduites les religieuses prévenues d'émigration.

Les commissions militaires, composées de cinq membres choisis au sein de l'armée, étaient admises à juger les rebelles et les émigrés pris les armes à la main, et plus tard les prêtres qui ont enfreint leur ban de déportation. Elles furent supprimées en raison d'abus de pouvoir de certains représentants du peuple, mais il y eu par la suite des dérogations en zone frontalière.

La procédure se déroulait sans jurés et sans témoins. Le jugement était sans appel ; la sentence éventuelle de condamnation à mort était exécutoire dans les vingt-quatre heures.

Jean-Baptiste Lacoste met sur pied une commission militaire formée par le Général Drut et son état-major pour juger les émigrés pris les armes à la main, comme il l'écrit à la Convention,

Dans la liste des individus qu'il déclare devoir être jugés par la commission militaire le 24 vendémiaire de l'an II (15 oct. 1794), on trouve :

« Touts (sic) les émigrés qui sont désignés par l'article 74 de la loi du 28 mars 1793, en y ajoutant les prêtres ou autres déportés et rentrés sur le territoire français et ceux qui ont agi militairement contre la France », soit 116 personnes. 34 prêtres ou religieux, 13 religieuses, et 69 laïcs

On y retrouve dix religieuses de la communauté des Ursulines de Valenciennes qui vont être guillotinées :

« Louise VANOT, Rennette PRIN, Hyacinthe BOURLA, Geneviève DUCRET, Magdeleine DESJARDINS reprises sous une même accolade avec la mention « ex-religieuses » et plus loin « Clotilde PAILLOT, Marguerite LEROUX, Joséphine LEROUX, Marie ERRAUX, Liévine LACROIX » également reprises sous une accolade avec la mention « ex-religieuses ».

Sœur Cordule BARRE n'est pas reprise dans cette liste, mais elle sera également jugée par la commission militaire.

De ce groupe de 116 personnes, tous les laïcs échapperont à la guillotine, ainsi que cinq prêtres et trois religieuses.

C'est comme « prévenues d'émigration » que les Ursulines vont être, presque aussitôt pour le premier groupe, traduites devant la commission militaire.

La législation en ce domaine était particulièrement sévère :

« La Convention nationale décrète que tous les émigrés français sont bannis à perpétuité du territoire de la République et que ceux qui au mépris de cette loi y rentreraient seront punis de mort... »

Les 4 historiens spécialistes de l'histoire de la Révolution appelés à déposer au procès informatif diocésain, au sujet de la prévention d’émigration retenue contre les Ursulines la déclareront, arguments à l’appui, non fondée.

En raison de la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), les Ursulines allaient devoir se passer d'avocat. Cette loi supprimait toute défense aux accusés : le Tribunal pouvait condamner les accusés sans instruction préalable, sans défenseurs et sans témoins.

Les Ursulines semblent cependant avoir reçu des conseils concernant leur défense. Charles Verdavaine, procureur syndic de la commune écrira : « On déposa, en attendant la comparution à la commission militaire, plusieurs religieuses dans mon bureau ; je leur observais qu'elles avaient des moyens de se défendre, qu'elles avaient consenti à rentrer dans leur communauté, lorsque pendant l'invasion de l'ennemi leur supérieure les y avait rappelées, que suivant la constitution de leur ordre, elles étaient encore soumises à l'obéissance ».

Mère Clotilde elle-même semble avoir indiqué une ferme ligne de conduite à ses religieuses : A propos de l'émigration :

« Si l'on nous interroge là-dessus nous devons répondre pour ne pas trahir la vérité, que nous avons été à Mons avec un passeport de la municipalité et que nous sommes revenues à Valenciennes pour pouvoir rendre service aux habitants, en instruisant leurs enfants »

Et plus tard :

« Dites que si vous aviez su qu'on vous incriminerait pour être rentrées en France, vous seriez restées à l’étranger. Mais si l'on vous demande quelque chose contraire à la soumission due à notre Saint Père le pape ou à vos vœux de religion - résistez ».

Les premières religieuses de la communauté sont traduites devant la commission militaire le 16 octobre. Le jugement sera rendu et exécuté le 17 octobre.

Le 22 octobre, c'est au tour de Mère Clotilde et de cinq de ses consœurs de comparaître. Elles seront jugées et exécutées dès le lendemain.

L'interrogatoire auquel vont être soumises les religieuses est bref et stéréotypé, et on retrouve des questions identiques dans les dossiers des prêtres et religieux interrogés par ce tribunal.

Après un interrogatoire d'identité, les questions portent sur le moment où elles ont quitté la communauté et le lieu où elles se sont rendues, la prestation du serment, les raisons du retour en France en insistant sur le fait qu’il s’agit d’une infraction grave.

Les religieuses se sont défendues avec beaucoup de fermeté et ont suivi d'assez près les conseils qui leur ont été donnés. Evidemment, leur choix de vie qui les tient éloignées du monde, et donc ignorantes de toute la législation en vigueur, l'absence d'avocat, les empêche d'utiliser tous les arguments juridiques dont elles auraient pu se prévaloir.

Toutes déclarent s'être rendues à Mons « avec un passeport de la municipalité » précisent plusieurs d'entre elles. Deux motifs sont invoqués pour expliquer leur retour à Valenciennes : la demande insistante des habitants et l'obéissance aux supérieurs.

A propos de l'infraction aux lois que constitue leur retour, plusieurs invoqueront le fait qu'à cette époque, Valenciennes ne faisait plus partie de la France et Mère Joséphine Leroux déclare qu'elle n'a jamais quitté Valenciennes que pour un séjour de trois mois à Cambrai.

Plusieurs religieuses précisent le fondement religieux de leur conduite. Mère Leroux dira qu’« elle désirait reprendre sa fonction de religieuse », Mère Erraux : « qu'elle n'avait eu d'autre motif que celui de retrouver son état et sa religion (à entendre au sens de « communauté religieuse » au 18ème siècle). Mère Clotilde conclura son interrogatoire en déclarant « que dans sa conduite, elle n'a agi ainsi que pour sauver sa religion et pour ne pas être apostate ».

Toute sont condamnées à mort pour émigration et avoir repris sous la protection de l'ennemi des activités qui leur avaient été précédemment interdites.



Montée à l’échafaud

Aussitôt rentrées dans leur prison après leur interrogatoire, les Ursulines qui vont être exécutées le 17 octobre se mettent en prière, et « Mère Clotilde ne s’occupe plus que de préparer à paraître devant Dieu celles qui vont mourir. »

Ce sont :

  • - Marie-Louise Vanot, 67 ans, en religion Mère Marie-Nathalie, de Valenciennes
  • - Hyacinthe Bourla, 48 ans, en religion Mère Marie-Ursule, de Condé
  • - Marie-Madeleine Dejardin, 34 ans, en religion Mère Marie-Augustine, de Cambrai
  • - Marie-Geneviève Ducrez, 38 ans, en religion Mère Marie-Louise, de Condé
  • - Jeanne-Reine Prin, 47 ans, en religion Mère Marie-Laurentine, de Valenciennes

« Toutes se mettent à genoux en plaçant au milieu elles un petit crucifix. Mère Nathalie se met à réciter les prières des agonisants ; les autres religieuses se mettent aussi à prier Dieu pur elles. »

Toute la nuit, elles récitèrent ensemble les prières des agonisants et l’office des défunts. Dans ces prières pour les agonisants, reprises au « cérémonial des religieuses de Sainte Ursule pour l’administration des sacrements de confession, communion, et extrême onction », on lisait la Passion de Jésus-Christ selon Saint Jean, on récitait les litanies de la Vierge et surtout les sept psaumes pénitentiaux dont le Miserere et le De profundis. Les religieuses se sont coupé les cheveux les unes aux autres pour éviter que le bourreau ne le fasse.

Au moment des adieux, elles demandent pardon à leurs sœurs, remercient la supérieure et lui demandent une dernière fois la bénédiction.

L’exécution des Ursulines allait laisser un souvenir fervent et vivace dans la mémoire de ceux qui en furent témoins. Les dépositions au procès canonique sont nombreuses à ce sujet et tous ces témoignages se rejoignent pour exprimer ce qui frappa le plus les témoins de l'exécution : la joie et le courage avec lequel les Ursulines allèrent à la mort en chantant et le fait qu’elles étaient dépouillées de leur habit religieux.

Ce jour-là, le climat d'inquiétude qu'avait fait naitre l'installation de la guillotine sur la place d’armes s'était fait plus pesant encore quand on avait constaté que c'étaient des femmes, des religieuses, leurs anciennes institutrices pour certains, qui partaient ainsi à l'échafaud.

« On n'osait presque pas parler, c'est à peine si on osait regarder, de peur d'être inquiétés », dira un témoin.

C'est avec tristesse et consternation que les habitants de Valenciennes voient apparaître au sortir de la prison les religieuses, « les mains liées derrière le dos, en jupon et chemise, avec un bandeau sur la tête ».

Mais l'attitude des victimes elles-mêmes contraste parfaitement avec ce climat général d'abattement.

Ce qui va toucher profondément l'assistance, c'est que les religieuses chantent les litanies de la Vierge et le Miserere.

Au pied de l'échafaud, elles entonnent le Te Deum.

C’est Mère Nathalie Vanot qui est appelée la première et gravit d’un pas ferme les degrés de l’échafaud. Mère Laurentine et Mère Augustine, ainsi que Mère Marie-Louise et Mère Marie Ursule sont les quatre autres Ursulines à être guillotinées ce jour-là.

Et, dit un témoin, « tant qu’il reste deux religieuses, elles chantent l’hymne du martyre. On n’entendait que leurs voix et leur chant d’héroïques martyres ; le reste était dans un silence de mort. Un cri, une plainte, c’était l’échafaud. »

Dans ses lettres d’adieu, Mère Clotilde écrit avec une fierté de mère : « Elles allèrent à la mort comme au plus grand triomphe. Elles volèrent au supplice avec une joie et un courage qui mirent les bourreaux en admiration. »

Les Ursulines restées en prison savent qu’elles seront, elles aussi, bientôt guillotinées. Elles profitent de ce bref répit pour écrire des lettres d’adieu, dont cinq sont parvenues jusqu’à nous : une lettre de Mère Erraux à son frère, deux de Mère Scholastique Leroux à des religieuses de Mons, deux de Mère Clotilde.

Elles y expriment leur désir du martyre, de se laisser identifier jusqu’au bout au Christ, dans sa passion et dans sa mort.

Mère Scholastique écrit : « Filles de Sainte Ursule, nous allons comme elle donner notre vie pour Son amour (pour l'amour du Seigneur), et par amour, lui rendre mort pour mort ».

A une telle générosité, le Seigneur répond en les comblant de sa grâce. Et elles se découvrent comblées de la force et de la joie de l'Esprit-Saint : « Je ne peux vous exprimer la paix et la joie de mon cœur », écrira aux siens Mère Erraux.
« Je suis la plus heureuse du monde », écrit Mère Clotilde.

Le 22 octobre, les Ursulines incarcérées subissent leur interrogatoire. Il s’agit de :

  • - Clotilde-Joseph Paillot, 55 ans, en religion Mère Clotilde Angèle Joseph, de Bavay
  • - Anne-Joseph Leroux, 47 ans, en religion Mère Anne-Joseph, de Cambrai,
  • - Marie-Marguerite Leroux,45 ans, en religion Mère Marie Scholastique, de Cambrai,
  • - Jeanne-Louise Barré, 44 ans, en religion Mère Marie-Cordule, de Sailly-en-Ostrevent,
  • - Marie-Augustine Erraux, 32 ans, en religion Mère Anne-Marie, de Pont-sur-Sambre,
  • - Marie-Liévine Lacroix, 41 ans, en religion Mère Françoise, de Pont-sur Sambre, Interrogées le 22, elles seront jugées et condamnées le 23 et exécutées le jour même.

Ce sont ainsi onze Ursulines qui vont monter à l’échafaud, et, très vite après leur mort, on fera le parallèle avec les onze mille vierges accompagnant sainte Ursule au martyre.

Elles aussi passent leur dernière nuit en prière. Elles se réunissent pour « faire la Cène », à l’exemple de celle que célèbrera le Seigneur la veille de sa mort, heureuses de penser que le lendemain elles seront au ciel, et elles ont le bonheur de pouvoir communier une dernière fois grâce à un prêtre incarcéré avec elles.

En cette octave de sainte Ursule, elles se confient particulièrement à leur sainte patronne. Elles partent pour l’échafaud avec quatre prêtres qui vont aussi être guillotinés. Mère Scholastique dit : « Nous pardonnons à nos juges, à nos ennemis, au bourreau ».

Sœur Marie-Cordule Barré a été oubliée dans la prison. Après le départ des autres, elle implore de pouvoir partager le sort de ses sœurs. Elle est exaucée : on vient la rechercher, on lui lie les mains derrière le dos, et elle rejoint ses sœurs.

« Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne », dit Jésus dans l’Evangile de saint Jean.

A sa suite, les Ursulines martyres vont faire de leur mort cruelle un don total de pur amour.

Tout le long du trajet, elles chantent les psaumes pénitentiaux et les litanies de la Vierge.

Quand elles arrivent à l’échafaud, elles entonnent le Magnificat qui exprime si bien ce qui chante dans leur cœur : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon sauveur »

Les deux sœurs, Mère Scholastique et Anne-Joseph Leroux, vont faire ensemble le sacrifice de leur vie ; les deux brigittines de Pont-sur-Sambre, Mère Françoise Lacroix et Mère Anne-Marie Erraux qui les accompagnent sont, elles aussi, unies jusqu’au martyre. Sœur Cordule va donner sa vie comme sa sainte patronne, réunie à ses sœurs dans le martyre, selon son désir.

Le magnificat monte vers le ciel, puis s’affaiblit graduellement au rythme des exécutions.

Mère Clotilde voulu être exécutée la dernière pour soutenir jusqu’au bout celles qui lui furent confiées. Le bourreau lui arrache la petite croix qu’elle porte au cou.

Ce 23 octobre est l'anniversaire de la profession solennelle de Mère Clotilde. Trente-huit ans plus tôt, elle se consacrait à Dieu par le don total d'elle-même. Elle va ratifier en ce jour anniversaire cette consécration de sa jeunesse que sa fidélité n'a jamais démentie,

En ce jour béni, elle dut faire sienne la prière du Cérémonial :

« Mon Dieu, je ratifie maintenant de tout mon cœur la donation que je vous ai fait de moi­ même par les vœux que j'ai faits à ma profession. Recevez-moi donc en sacrifice par la mort que j'attends de vous comme la consommation de mes vœux. »

Un témoin oculaire rapportait :

« Je la vois encore à l'échafaud, à genoux, la dernière, je crois entendre encore cette femme intrépide, encourageant ses sœurs et chantant avec elles les louanges de Dieu jusqu'au moment où l'on n'entendit plus, dans toute la ville, qu'un silence de consternation ».

Le Cérémonial dit encore :

« Qu'une troupe d'anges de lumière vienne donc recevoir votre âme à la sortie de son corps.

Que Jésus se montre à vous avec un visage plein de douceur et de joie et qu'il vous mette au nombre de ceux qui sont toujours en sa compagnie. »