Rétrospective. Nouvelles des archives
21/10/2022
Les onze Martyres de Valenciennes
Les Martyres de Valenciennes sont un groupe de onze religieuses du monastère des Ursulines de Valenciennes qui ont été guillotinées par les révolutionnaires en octobre 1794 : elles ont été béatifiées par le pape Benoît XV en 1920.
Le leader du groupe était Mère Marie Clotilde Angela de Saint François Borgia (née Clotilde-Joseph Paillot), supérieure du monastère ; avec les Ursulines, deux Brigittines et une Clarisse urbaniste qui s'était retirée chez les Ursulines après le début de la Révolution, sont allées à l’échafaud.
Les événements qui ont conduit au martyre des Ursulines de Valenciennes commencent le 30 septembre 1790, lorsque les commissaires de la municipalité de Valenciennes, en application du décret de constitution, se présentent au monastère pour faire l'inventaire des biens et demander aux religieuses si elles souhaitent persévérer dans leur vocation : la réponse des 32 religieuses est unanimement positive.
La communauté continue à exister pacifiquement jusqu'au 13 septembre 1792, date à laquelle les troupes de la première coalition antifrançaise assiègent Valenciennes et où le monastère est réquisitionné par les défenseurs de la ville. Les sœurs se sont réfugiées provisoirement chez leurs consœurs de Mons et ont pu regagner leur monastère le 11 novembre 1793, après l'évacuation des troupes révolutionnaires et l'occupation de la ville par les Autrichiens. Après la victoire française à Fleurus, les Autrichiens quittent Valenciennes le 26 août 1794 ; la ville est reprise par les révolutionnaires et le 1er septembre, le représentant de la Convention, Jean-Baptiste Lacoste, ordonne l'arrestation des religieuses.
Bien que le coup d'État du 9 Thermidor (27 juillet 1794) ait mis fin à la période de terreur, Lacoste fait ériger la guillotine et organise un tribunal révolutionnaire.
Le 17 octobre 1794, les premières religieuses comparaissent devant les juges :
Sœur Natalie, Marie-Louise Vanot, 66 ans, de Valenciennes
Sœur Laurentine, Jeanne-Reine Prin, 47 ans, de Valenciennes
Sœur Marie-Ursule, Hyacinte Bourla, 48ans, de Condé-sur-l’Escaut
Sœur Augustine, Marie-Madeleine Desjardins, 35 ans, de Cambrai
Le deuxième groupe de religieuses est monté à l’échafaud le 23 octobre 1794 :
Sœur Clotilde, Clotilde-Joseph Paillot, 55 ans, de Bavay
Sœur Joséphine, Anne-Joseph Leroux, 47 ans, de Cambrai
Sœur Scholastique, Marie-Marguerite Leroux, 43 ans, de Cambrai
Sœur Anne-Marie, Augustine Erraux, 32 ans, de Pont-sur Sambre
Sœur Françoise, Liévine Lacroix, 41 ans, de Pont-sur Sambre
Sœur Cordule, Jeanne-Louise Barré, 44 ans, de Sailly-en-Ostrevent
Leur cause a été introduite le 29 mai 1907 et le 6 juillet 1919, le martyre des religieuses a été reconnu. Les 11 martyrs de Valenciennes ont été béatifiées par le pape Benoît XV le 29 février 1920, ainsi que les 4 martyres des Filles de la Charité d'Arras. L'éloge de la bienheureuse Maria Natalia de Saint Louis et de ses quatre compagnes peut être lu dans le Martyrologe romain le 17 octobre ; celui de la bienheureuse Maria Clotilde de Saint François Borgia et de ses cinq compagnes le 23 octobre.
Bibliographie :
Raymond DARRICAU, Bibliotheca Sanctorum (BSS), I Appendice, Istituto Giovanni XXIII nella Pontificia Università Lateranense, Roma 1987, col. 1409-1411.
igs. 1-4: Lettre par Sr Scholastique, AGUUR, Bienheureuses Martyres de Valenciennes, Bh 4.1.
Les Archives du Généralat possèdent, entre autres, une copie contemporaine d'une lettre écrite par Sœur Scholastique (figs. 1-4), dont le texte est reproduit ci-dessous. La lettre a été donnée aux Archives par la Communauté de Mons.
(AGUUR, Bienheureuses Martyres de Valenciennes, Bh 4.1, fols. n.n.)
Vive Jésus
Du fond de mon cachot de la prison de Valenciennes et d’après sept semaines d’arrestation dans différentes maisons de notre ville où nous fûmes détenues pour le crime que nous commîmes en nous refugiant chez vous, faute qui va nous mettre en possession de la gloire du martyre, ne nous plaignez pas, mais dites-vous en vous-même : ah ! Mes sœurs qu’avez-vous fait pour mériter cette faveur. Je le dis avec vous chère amie, les maux que nous avons soufferts depuis notre départ de chez vous, peuvent-ils entrer en comparaison avec les délices ineffables que le divin Epoux prépare à ses Epouses privilégiées de la gloire du martyre ? Compagnes de Sainte Ursule et de ses compagnes, comme elle nous allons sous peu de jours donner notre vie pour son amour et soutenir notre foi. Les consolations que nous éprouvons à la vue de cette faveur sont inexprimables, ce qui vous prouve la force de la grâce, sans cette double grâce nous succomberions toutes sous le poids de nos peines. Cinq de nous ont déjà subi la guillotine ce sont le Mères Natalie, Laurentine, Marie Ursule, Louise, et Augustine, elles n’y marchèrent pas, mais elles volèrent au lieu du supplice, elles y montèrent en riant unie d’entre elles, voulant être exécutée avant les autres fut obligée de descendre du supplice e y remonter, on leur la issa un jupon seulement et leur chemise les mains liées derrière le dos nous attendons le même sort je suis persuadée que ma lettre ne vous parviendra pas avant notre mort. Les jugements de Dieu nous étant inconnus accordez-nous toujours le secours de vos prières, si elles ne nous servent pas elles serviront pour le soulagement de celles qui nous survivront. Thérèse, Félicité, et sœur Regis sont dans les prisons de Douai. Clothilde, ma sœur, sœur Cordule, les deux Brigittines, et moi sommes ici les autres ne sont pas encore prises. Tous les Prêtres sont exécutés c’est ce qui augmente notre martyre. Mille choses amies de bous toutes, à toutes nos sœurs croyez-nous toujours très reconnaissantes dans le Ciel. En mourant nous vous embrassons de tout notre cœur nous nous recommandons à tous nos amis à Monsieur le Curé, a Monsieur le Chanoine.
Etoile signé Scholastique
(Cette transcription est fidèle à l'original).
De ses paroles résonne un cri de joie, de bonheur, d'émerveillement devant la grâce qui leur est accordée de recevoir la gloire du martyre, fidèles au Seigneur jusqu'à la mort, mettant toute leur confiance dans sa grâce.
Les corps des Martyres du 17 octobre furent inhumés. Pendant plus d’un siècle, on n’espéra plus les retrouver. Mais en 1921, Monsieur Emmanuel Dosch, l’avant dernier conservateur du cimetière bêchait avec son grand père son petit jardin, au-delà des limites de ce qui était alors le cimetière Saint Roch. Il se rendit compte qu’il travaillait dans de la terre rapportée. Mais ce n’est qu’en 1926, qu’on ouvrit une tranchée à cet endroit. On y découvrit successivement cinq squelettes de femmes, dont l’une avait la tête tournée vers le sol, preuve évidente qu’elle avait été séparée du corps.
Figs. 5-6: Grains de terre, AGUUR, Bienheureuses Martyres de Valenciennes, Bh 4.16.
Quelques grains de terre (fig. 5-6). provenant de l'endroit où furent retrouvés les corps des bienheureuses Martyres de Valenciennes sont conservés aux Archives du Généralat (AGUUR, Bienheureuses Martyres de Valenciennes, Bh 4.16).
Par Emanuela Lauro Ph.D., Archiviste Générale