En chemin

25/11/2020

Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas (Lao Tzu)

Cette dernière semaine de novembre nous offre un moment important de réflexion en tant qu’Ursulines de l’Union Romaine.  Les célébrations de cette semaine sont l’occasion d’apprécier à nouveau les cadeaux que nous avons reçus en tant que  filles de sainte Angèle, membres de sa Compagnie et de l’Union Romaine – cette communauté globale./p>

 

Le 25 novembre Jour de la Fondation, nous nous souvenons du petit événement local qui a eu lieu à Brescia en 1535 - il y a 485 ans, un événement qui a donné naissance à la Compagnie de Sainte Ursule. Nous nous rappelons les vingt-huit compagnes d’Angèle Merici dont les noms ont été inscrits dans « le Livre de la Compagnie », en signe de leur engagement envers Dieu et les unes envers les autres.  Alors que certains de ces noms sont répertoriés, bien d’autres ont été perdus au cours de l’histoire. Cependant, l’esprit qu’elles ont incarné, et dont nous avons hérité, n’a pas été perdu. Le mot « Compagnie » nous rappelle le caractère central de la relation dans l’intuition fondatrice  d’Angèle – ces femmes devaient être des « Compagnes ». Mary-Cabrini Durkin nous rappelle les implications de ce mot venant de ses origines latines - cum et panis - avec et le pain. Les premiers membres de la Compagnie vivaient le « compagnonnage » ; c’était un groupe de femmes qui partageaient le pain et les expériences quotidiennes de la vie. Dès le début, les relations de soutien mutuel et de respect ont été au cœur de l’intuition fondatrice d’Angèle. (Mary-Cabrini Durkin Angela Merici’s Journey of the Heart. p.49).

Trois jours plus tard, le 28 novembre, nous célébrerons l’Union Romaine, en ce jour où, en 1900, l’approbation pontificale a été donnée pour la formation d’une Union de 62 maisons d’Ursulines du monde entier. Elles se sont unies en réponse à la sollicitation insistante du Pape Léon XIII. Cependant, on peut dire aussi que la source de l’Union est la collaboration entre les monastères de Blois, Rome et  Calvi au cours des vingt dernières années du XIXème siècle, une collaboration née d’un désir de se soutenir mutuellement.

Dès ses débuts, l’Union Romaine a réuni des femmes de monastères et de communautés dont les histoires fondatrices étaient différentes, dont le mode de vie et les traditions étaient divers. Et pourtant, il est clair qu’elles avaient un fort désir de se soutenir mutuellement, indépendamment de leurs différences, et souvent à travers des épreuves difficiles et des malentendus.

Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, lorsque les Congrégations religieuses ont été encouragées à revenir à leurs origines et à approfondir leur compréhension de la spiritualité et du charisme de leurs fondateurs, les Ursulines du monde entier ont découvert d’une manière nouvelle la source des liens forts qui les unissent.

Aujourd’hui, chacune de nous connaît cet esprit au plus profond de son être. Nous nous reconnaissons comme sœurs à travers la vie reçue d’Angèle – Madre Suor Angela. Une part de son esprit est ancré dans l’ADN spirituel de chacune de nous ! Alors que nous célébrons ces journées spéciales de commémoration, nous avons vraiment beaucoup de raisons de rendre grâce.

A global community moving into new lifeCe que nous portons en commun nous encourage à bâtir notre « communauté globale».  Les différences de réalités vécues et de nos diverses expériences culturelles, sociales et ecclésiales font en sorte qu’une telle entreprise n’est pas une tâche simple. Cependant, les défis auxquels nous sommes confrontées, bien que différents, ne sont pas plus difficiles à relever que ceux auxquels furent confrontées Angèle et ses premières compagnes, ou les premiers membres de l’Union Romaine. Ensemble, nous pouvons nous inspirer de l’esprit et de l’exemple de tant de femmes fortes, nos « ancêtres dans la foi ».  Et nous persévérons dans l’espérance que nos efforts permettront à la « vie nouvelle », à laquelle nous aspirons, d’émerger comme cela a été le cas depuis les premières intuitions d’Angèle lors de sa vision à Brudazzo.

Penser à nous-mêmes en tant que Communauté globale nous met en harmonie avec la pensée du pape François, comme en témoigne sa récente lettre encyclique Fratelli Tutti, s’adressant à toutes les personnes de bonne volonté ... « à tous ses frères et sœurs ». Dans cette nouvelle encyclique sociale, le pape François développe son enseignement antérieur selon lequel, tout comme nous sommes reliés à tout ce qui se trouve dans « notre maison commune », en tant qu’humanité nous sommes profondément reliés, nous sommes tous en relation les uns avec les autres.

Nous parlons de nous-mêmes comme d’une « communauté globale» qui essaie de considérer en même temps l’universel et le particulier. De cette façon, nous pouvons remettre en question l’idée de limites et de frontières, comme la montée du nationalisme, souvent source de division, dans le monde d’aujourd’hui. Je crois depuis longtemps qu’en tant qu’organisation internationale de femmes engagées, nous avons la possibilité d’apporter une contribution significative dans le monde ... de laisser l’empreinte de notre charisme sur le monde – l’empreinte de l’esprit d’amour, de respect et d’estime d’Angèle.

Dans Fratelli Tutti, le pape François parle de fraternité. J’aime à penser cette réalité comme une « parenté », une autre façon de décrire nos liens familiaux. La parenté implique que nous revendiquons la descendance d’un ancêtre commun, que nous partageons une même appartenance, que nous sommes liés de manière profonde et durable. La parenté exprime le fait que nous sommes unis, en tant qu’êtres humains, au-delà des frontières de la race, de la nation et de la langue, au-delà des différences de culture et de religion. Une compréhension de notre parenté nous pousse à répondre aux autres avec générosité en tant que « proches » de tous. Le pape François suggère que dans la Parabole du Bon Samaritain, Jésus «je ne dis plus que j’ai des ‘‘prochains’’ que je dois aider, mais plutôt que je me sens appelé à devenir un prochain pour les autres » (FT 81). Ce changement subtil de la façon de penser peut ouvrir des perspectives nouvelles et stimulantes. De même, en considérant ceux qui dans le monde sont « ma parenté », je peux élargir ma compréhension de la façon dont je suis appelé à répondre avec une généreuse sollicitude. Cela peut m’inciter à me demander comment je pourrais être un agent de changement afin que davantage  de « mes proches » aient accès à ce qui est considéré comme les besoins fondamentaux de la vie.

Le pape François nous rappelle également qu’« il faut prêter attention à la dimension globale pour ne pas tomber dans une mesquinerie quotidienne. En même temps, il ne faut pas perdre de vue ce qui est local, ce qui nous fait marcher les pieds sur terre ». (FT 142). Pour être  proches de ceux de notre parenté que nous ne connaissons pas, nous devons d’abord être proches de ceux avec qui nous partageons le plus étroitement la vie, de nos propres sœurs dans nos communautés et nos provinces. Dans ce contexte, je trouve particulièrement utiles les réflexions de François sur «  recouvrer la bienveillance ». Il dit : « Aujourd’hui, on n’a ni l’habitude ni assez de temps et d’énergies pour s’arrêter afin de bien traiter les autres, … Mais de temps en temps le miracle d’une personne aimable apparaît, qui laisse de côté ses anxiétés et ses urgences pour prêter attention, pour offrir un sourire, pour dire une parole qui stimule, pour rendre possible un espace d’écoute au milieu de tant d’indifférence…. Cultiver la bienveillance n’est pas un détail mineur…. Puisqu’elle suppose valorisation et respect, elle transfigure profondément le mode de vie, les relations sociales et la façon de débattre et de confronter les idées, lorsqu’elle devient culture dans une société. » (FT 224)

Permettez-moi de suggérer que, cette année, en faisant mémoire de ces jours importants de notre histoire, notre prière et notre célébration pourraient être marquées par trois choses

  • un sentiment de  profonde gratitude pour  tout ce que nous avons reçu ensemble
  • un engagement renouvelé envers les qualités relationnelles que nous apprenons d’Angèle – compagnonnage, bienveillance, estime, respect et amour
  • la conviction que nous sommes appelées à renforcer nos liens ‘d’interconnexion’ - notre parenté - à la fois dans les sphères locale et mondiale, en tant que contribution transformatrice et vivifiante pour notre monde.

À l’approche de cette fin d’année, nous pensons surtout aux provinces et communautés dans lesquelles des sœurs sont décédées des suites de la pandémie CoVid19, et où les sœurs et d’autres personnes n’ont pas pu faire leurs adieux selon les rituels funéraires habituels. Il existe de nombreuses communautés où les sœurs sont encore malades et sont aux prises avec les effets durables de ce virus.

Nous sommes sur le point d’entrer dans le temps de l’Avent, ces semaines qui expriment si magnifiquement la réalité humaine de l’attente, du désir et de l’espérance. Chaque année à cette époque, nous reconnaissons à nouveau que nous ne sommes pas comblées, qu’il manque toujours quelque chose dans nos vies jusqu’à ce que nous accueillions la Parole Incarnée.

Cette année, nous apportons, en ce temps d’attente, notre expérience commune d’isolement  et de quarantaine, de  maladie, de faiblesse et de chagrin, de vulnérabilité, d’incertitude et de séparation. Dans cette réalité, nous prions Viens Seigneur Jésus ...

Et pourtant, nous apportons aussi des signes de promesse, de nouvelles possibilités, de  nouvelles relations et de nouvelles rencontres. Dans cette réalité  aussi, nous prions ensemble Viens Seigneur Jésus ...

Rome, le 23 novembre 2020

Sue Flood osu